par Youmani Jérôme Lankoandé
Qu’est ce que Wikipédia, American Idol et Istockphoto ont en commun? Qu’est ce que le financement de la grande mosquée de Casablanca et le financement de la campagne électorale du candidat Barack Obama ont en commun ?
Les trois premiers ont en commun le fait qu’ils sont tous le résultat d’une participation de plusieurs personnes isolées utilisant une plateforme web. Cela s’appelle l’approvisionnement par la foule ou “crowdsourcing”.
Les deux derniers ont en commun leur mode de financement basé sur la contribution populaire où l’objectif était de mobiliser une masse critique de contributeurs plutôt qu’une poignet de contributeurs très fortunés. Ce mode de financement s’appelle le “crowdfunding”.
Le crowdsourcing est un phénomène qui bien qu’ancien, mérite encore d’être étudié et expliqué compte tenu du fait qu’il a pris de nouvelles formes grâce à d’Internet et les medias sociaux. Lors d’une communication à l’Université du Québec à Montréal le 08 avril 2011, à la question de savoir qui des participants était familier avec le “crowdsourcing’’, seules trois personnes en avaient déjà entendu parler.
Mais l’intérêt manifesté par les participants pour ce nouveau phénomène, à travers les nombreux commentaires et questions pendant la période des questions, m’a incité à écrire ce billet sur le crowdsourcing.
Pourquoi cet intérêt pour le crowdsourcing? Parce que le crowdsourcing est un modèle original d’organisation du travail qui place la foule au centre du processus de production et peut être une source d’innovation pour les organisations utilisant l’innovation ouverte (Chesbrough, 2003, 2007) ou l’innovation centrée sur l’utilisateur (Von Hippel, 1998).
L’objectif de ce premier article est de présenter le concept de crowdsourcing, et dans des articles ultérieurs je reviendrai sur l’état des connaissances scientifiques sur le sujet ainsi que les facteurs de succès d’un projet de crowdsourcing.
Définir le crowdsourcing
Le mot crowdsourcing est apparu en 2006 dans un article de Jeff Howe et Mark Robinson dans le magazine Wired. “Crowdsourcing” est construit à partir du mot anglais Crowd qui signifie la foule et du mot Outsourcing que l’on peut traduire par externalisation.
Sur son blog Howe propose la double définition suivante du crowdsourcing:
“The White Paper Version: Crowdsourcingis the act of taking a job traditionallyperformed by a designated agent (usually an employee) and outsourcing it to an undefined, generally large group of people in the form of an open call.
The Soundbyte Version: The application of Open Source principlestofieldsoutside of software.”
Ainsi, le crowdsourcing signifie l’externalisation par une organisation, via un site web, d’une activité auprès d’un grand nombre d’individus dont l’identité est le plus souvent anonyme (Lebraty, 2009). Et depuis 2009, on remarque un intérêt croissant pour le crowdsourcing avec la publication de nombreux articles et livres. L’internet et les médias sociaux ont rendu le crowdsourcing plus rentable en permettant d’atteindre plus rapidement les masses (foules) et en plus grand nombre.
Des exemples d’organisations qui pratiquent le crowdsourcing basé sur une plateforme web ou une plateforme de telephone mobile, selon le secteur d’activités, sont:
Ushahidi: une plateforme de téléphone mobile au service de la cartographie sociale, combinaison d’activisme social, de journaliste citoyen et d’information géographique. Ushahidi fournit un mécanisme à un observateur local pour soumettre un rapport via son téléphone mobile ou internet, générant une archive temporelle et géospatiale de l’évènement (Wikipédia, 2011).
Wikipédia: une encyclopédie collective établie sur Internet, universelle, multilingue et fonctionnant sur le principe du wiki. Wikipédia a pour objectif d’offrir un contenu librement réutilisable, objectif et vérifiable, que chacun peut modifier et améliorer (Wikipédia, 2011).
Istockphoto: une plateforme de vente de photographies faites par des amateurs et des professionnels.
Innocentive: une plateforme de résolution de problèmes et de projets d’innovation. Il met en relation des innovateurs (solvers) généralement des individus ou parfois des groupes constitués, avec des demandeurs (seekers), généralement des entreprises.
Selon Schenk et Guitard (2009), le fonctionnement du crowdsourcing est par nature très semblable au procédé de l’outsourcing. Et Storey (2009), soutient que le crowdsourcing comme concept est basé sur les principes de l’outsourcing. Alors que l’outsourcing décrit une division du travail qui consiste pour une organisation à sous-traiter des tâches à une autre organisation, le crowdsourcing décrit le même phénomène, à la seule différence que ce dernier sous-traite à un groupe de personnes éparpillées (la foule) à travers un térritoire délimité ou sans délimitation.
- L’outsourcing est adressé aux organisations externes
- Le Crowdsoucing est lui plutôt adressé à la foule sous la forme d’un appel ouvert (Howe, 2006).
- Dans le crowsourcing, la participation est volontaire et la contribution d’un vaste réseau de personne est nécessaire pour que l’initiative atteigne un niveau substantiel (Lohr, 2009).
Le crowdsourcing consiste à acquérir des idées, des connaissances et des solutions innovatrices provenant des talents disséminés dans les foules pour répondre à un besoin interne. Reconnaissant une certaine sagesse à la masse populaire, les organisations publiques et privés ont adopté cette nouvelle méthode de la division du travail pour stimuler soutenir l’innovation publique. Dans la même logique, des organisations non gouvernementales développent des variantes du crowdsourcing pour stimuler l’innovation sociale, soutenir des actions humanitaires, et/ou financer des actions à l’international.
Dans mes prochains articles je reviendrai sur les types de crowdsourcing, des exemples d’innovations produites grâce au crowdsourcing, les entreprises qui “crowdsourcent”, les facteurs de success du crowdsourcing ainsi que l’état des connaissances scientifiques sur ce phénomène.
Vos suggestions et vos commentaires sont les bienvenus.
(c) 2011, Youmani Jérôme Lankoandé
Bibliographie
Chesbrough H.W. (2007). Whycompaniesshould have open business models, MIT Sloan Management Review, 48(2): 21–28.
Chesbrough H.W. (2003). The era of Open Innovation, MIT Sloan Management Review, 44(3): 34–41.
Chesbrough H. & M. Appleyard (2007). Open Innovation and Strategy, California Management Review, 50(1), 57-76.
Schenk E,, Guittard C., & P. Cohendet (2009). TIC et communautés : le Forum comme espace de socialisation, in J.P Bootz& F. Kern (eds), Les communautés en pratique : leviers de changements pour l’entrepreneur et le manager, Lavoisier.
Howe J. (2006). The rise of crowdsourcing, Wired, 14(6).
Lebraty, J. F. (2009), Externalisation ouverte et pérennité : une nouvelle étape de la vie des organisations. Revue Française de Gestion, Vol. n° 192, 151-65.
Storey, M.-A. D. (2009). Beyond the Lone Reverse Engineer: Insourcing, Outsourcing and Crowdsourcing . 16th WorkingConference on Reverse Engineering (pp. 16-36). Lille: IEEE
vonHippel E. (1988). The sources of innovation, Oxford UniversityPress.
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Bravo Jérôme. Très bon papier! J’inviterais les gens intéressés par le crowdsourcing à consulter ce petit vidéo très imagé et pédagogique: http://www.youtube.com/watch?v=Buyub6vIG3Q
En intégrant le consommateur du produit ou du service dans son processus de création, de développement et de mise en marché, est-ce que nous nous assurons vraiment d’un maximum de réponse positive du produit aux besoins. Le processus peut devenir beaucoup plus long et plus coûteux. Est-ce que nous avons l’assurance que le produit répondra au plus grand nombre de clients?
Très bon article. J’ai visité votre blog innovaclass.com que je trouve très bien en termes de contenu. Félicitations !
Très intéressant.
Une initiative de crowdsourcing: Waze, une application GPS/sociale où les voies circulables sont identifiées par les usagers qui peuvent aussi envoyer des rapports de circulation (voie bloquée, embouteillages, accidents, etc.). Fonctionne sur la plupart des téléphones intelligents, gratuit. http://www.waze.com/homepage/
Facteurs de succès du crowdsourcing: la communauté. En tant que tel, il faudrait peut-être parler des « community managers » ou bien des types de personalité qui contribuent à des initiatives de crowdsourcing (je pense, entre autres, dans les wiki, on a des gens qui se spécialisent dans la correction d’erreurs de langue, d’autres nettoient les mises en page, etc.).
@Jean Boilard. Merci pour ton commentaire. Effectivement le processus de création peut devenir trop long, mais cela en vaut la peine si nous sommes sûr des retombées positives. Et pour s’assurer de tirer le maximum de réponse positive du produit, Howe (2009) propose de mettre en place un système de filtrage des meilleures propositions en termes de coût-bénéfice. Il faudra ensuite de faire des tests de produits et services avant de les deployer à grande échelle. Mais dans tout cela, il faut retenir que l’innovation est toujours un risque. Mais le risque de ne pas prendre le risque d’innover est de perdre la concurrence, et donc de disparaître.
Jérôme
@Zahra. Merci pour le lien et tes commentaires. Dans mon prochain article je vais parler des facteurs de succès du crowdsourcing. Si tu as un blog, donne moi l’adresse pour que je te lise.
Jérôme
@François Crevier. Merci pour la vidéo. Je vais d’ailleurs la poster sur mon blog. Il est très intéressante.